Légende romaine, terre lointaine, cela se chante

Date
 11 avril 2016
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Olivier Coste[I].

Dans le vent.

Avec un nom pareil il en a des frères, les chênes-lièges, les mimosas, les figuiers et tout le catalogue de sa province, vous pensez, c’est comme s’il s’appelait, avec quelques libertés linguistiques, Arbre Colline. Son portrait serait donc tout fait.

Curieusement on le surnomme Horace, on ne sait pas très bien pourquoi, il s’agirait de rumeurs dont il ne vaut mieux pas tenir compte. Imaginons plutôt, ne serait-ce que parce qu’il aime jouer,  qu’il apprécie refaire de temps en temps le coup des Curiaces[II],  c’est-à-dire déployer une grande habileté dans le temps et l’espace, marine dans laquelle il est expert. La référence historique s’arrêtant là car Olivier est bien plus pacifique que ce héros romain de légende. Contentons nous donc de l’appeler Arbre Colline, ou par défaut Olivier Coste.

Sa silhouette fine circule par ici. Elle n’apparaît que quand on pense à lui et se dirige vers vous, pleine d’attentions. Une coïncidence vient se superposer à ses apparitions. On pense à Olivier selon le sens des vents. C’est qu’ici le flux est ascendant le matin, soit de la mer aux collines, et descendant le soir, soit des collines vers la rive de la mer le long de laquelle le village s’étend.

Or, il faut l’admettre, on pense à lui plutôt le soir, justement quand il apparaît. Viendrait à l’esprit l’esquisse d’une réponse. En effet son arrivée en ville étant le plus souvent le soir quand le flux est descendant, nous pourrions admettre que le vent et lui auraient des pratiques intimes. Le soir Arbre Colline  répondrait à l’invite des courants aériens, ce qui l’inciterait d’en suivre celui qui part du Corral  nou, une bâtisse très bien située dans les hauts, filet d’air qui arriverait au droit des cafés, cela est un détail important, avant de s’égarer au large. Descendre avec l’aide du vent est plutôt bien pensé.

C’est bien une preuve de plus de son habileté à tenir compte des choses observables et manifestes de la nature.

Nous y voilà. Végétaux, reliefs, sens des vents, passages pluvieux aussi bien que les forts coups de soleil, sont les arguments de l’existence de cet Olivier là. Quand on sait, de surcroît, qu’il s’exerce dans divers métiers dont il a eu les clefs de par sa généalogie, tout se complique et la question n’est pas entièrement réglée et vaudra encore de longues et puissantes réflexions.

En effet, comment faire le portrait de quelqu’un qui, d’une part ne se distingue pas des éléments, et de l’autre, a plusieurs métiers ?

Mais qu’importe, contentons nous de ses amitiés qui sont de vrais remèdes, comme des  infusions des plantes de là-haut.

C’est déjà cela…


[I] Olivier Coste : habite le Corral Nou, un mas des hauts de Banyuls sur Mer, peintre, bricoleur, commentateur politique, bottin local….et fils d’Annie et Francis.

[II] Rappel pour certains : le combat entre les Horaces et les Curiaces, où le jeune Horace s’en tire de justesse en calculant le sprint de ses ennemis pour les occire tranquillement. Le romain a également exécuté sa sœur qui était l’amante d’un des coureurs. Pas facile tout cela, mais comme au village.

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Azucena Soler[1]

Une des  Sopranos

Elle est tout à la fois oiseau – entendez la chanter ! – et fourmi. – rien d’inutile autour!

Ses chants sont pour les autres, elle envoie les notes au ciel joyeux. C’est ce qu’elle donne, qu’elle souhaite, et sans retenue.

Pourtant des raisons d’être heureuse, la vie ne lui en a pas donné beaucoup. Petite fille dans un nid catalan pendant de très mauvaises saisons, son chant agaçait les voisins qui n’y voyaient que blasphèmes. Des saisons pendant lesquelles l’âpreté de la vie lui apprit comment faire la fourmi. Ne rien jeter, tout partager de l’adversité, faire très attention et pas que pour soi.

Un jour elle a rencontré l’oiseau qui écoutait vraiment très bien, très gentiment, son chant. Son nid catalan devint juste un peu plus grand. Lui c’était le bruit des forges des vallées sa musique. Cela venait s’ajouter à leur danse. Il s’agissait de chanter leur pays si loin alors et interdit. L’amour était dans ce refuge simple, on le voyait bien. On n’osait pas les réveiller ces deux là, pas faire de bruit, les laisser savourer des pensées lointaines.

La saison est autre maintenant, l’hiver de la vie dit-on. Le chant de son forgeron elle va l’écouter sur la plage désormais, très régulièrement, à heure fixe semble-t-il. C’est son rendez vous, celui où la mer et les vagues dessinent les vallées du pays, disent la rumeur des luttes passées et caressent les souvenirs.

Azucena a plein d’enfants mais elle ne le sait pas. Ils piaillent partout où elle se promène. Que de révérences ils lui font ! Elle balaye l’hommage des yeux comme si c’était juste normal cette nombreuse descendance.

Azucena feint d’ignorer les couleurs de son paysage. Elle le fait exprès. Elle ne propose qu’une chose:

« Écoutez, écoutez donc le cristal du chant, le bruissement des vallées, le tintement clair de l’acier qui prend forme, c’est chez nous, au-delà de la ligne des crêtes, oui chez nous ».

Sa voix de soprano, son chant élevé  passe la crête des montagnes, il n’y a pas de doute.


[1]   Azucena Soler. Habite Banyuls sur mer, fille de la Catalogne et  militante de la démocratie. Veuve d’Eduardo Soler, forgeron catalan militant du POUM refugié, commandant d’artillerie à 19 ans dans l’armée républicaine. Azucena est la sœur de Teresa Rebull.

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