Jojo Pous est parti

Date
 18 mai 2013
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En faisant bien le compte, je ne l’ai rencontré qu’une vingtaine de fois en 40 ans. La plupart du temps c’était toujours au travers de quelqu’un qui me le présentait «Bonjour, tiens voici  GR… il est avec moi ». Ce qui fait que j’ai été présenté à Jojo vingt fois, et j’écoutais les échanges du quelqu’un avec Jojo. Je n’avais pas trop à dire finalement.

La première fois que je l’ai vu j’avais été embarqué par une troupe en goguette pour aller déjeuner « als Templers », son restaurant. Il y avait dans cette compagnie Francis Coste et Claude Vedel, artistes peintres de leur état. C’était à l’initiative de Vedel que cette équipe se dirigeait vers Collioure. Et on allait se régaler du meilleur de la carte nous avait promis Vedel. Je me tenais tranquille peu enclin par nature à l’enthousiasme gastronomique lequel m’échappe hélas. Cependant à Collioure, festoyer c’est ce que nous fîmes et fort agréablement jusqu’à l’arrivée de l’addition. Là, royal et sûr de son art, Vedel ouvre un carton à dessins, le parcourt et rieur annonce l’impensable troc entre une généreuse gamelle et un dessin, mais colorié quand même, cela fera bien le billet!

Jojo connaissait manifestement la procédure car il accepta lui aussi en souriant à ce  panel d’artistes à la peine et choisit un format sous dimensionné au regard des estomacs remplis. Il a du en connaître de ces artistes pour avoir compris  que la seule issue c’était la porte de la bienveillance. Son sourire à lui rajoutant discrètement « ne  me  fait pas le coup trop souvent quand même. »

Au fil des ans je l’ai revu, toujours comme le fils de…  l’ami de … le compagnon de …et je ne lui ai jamais  parlé directement. Pourtant j’ai construis autour  de sa personne un halo d’admiration respectueuse. C’est qu’il l’inspirait.  Ami de son fils  j’étais  tenu au courant de la fin de sa trajectoire au jour le jour. Jojo était bien entouré.

A  son enterrement j’y étais. Il me fallait vérifier si l’auréole de respect que j’avais mis sur sa tête se présenterait à l’église de Collioure. Elle s’y présenta.

Ce jour là j’ai beaucoup aimé la pluie en attendant l’arrivée de sa dernière automobile, laquelle fut très bien conduite d’ailleurs et à vitesse solennelle et réglementaire.

Qu’aurait –t-il dit Jojo s’il avait pu voir tout ces parapluies dans son sillage, à sa poursuite vraiment, comme la trace d’un pinceau d’un maître pointilliste, répartissant là et là toutes ces sombres ombrelles s’agitant derrière son ultime carriole.

Je ne sais pas s’il peignait mais il s’y connaissait sûrement. Car comment expliquer cette jolie peinture pour ses ultimes et amicales salutations composée selon des directives qu’il aurait emprunté carrément de Georges Seurat.

Le cortège, comme une vague de cette mer calme bien parallèle à la rive de la rade de Collioure, tous ces pépins brillants, vernis par la pluie d’où pendaient souliers et jambes dansants le long de la grève dans une chorégraphie dont les tracés étaient conformes aux lois des courants et forces marines de la Méditerranée.

C’est une horde de parapluies qui suivait Jojo, famille et amis dans le rythme de la journée grise. C’est qu’il en avait distribué des amitiés. Belle cérémonie.

Reste alors la question de savoir comment Jojo s’y prenait pour offrir à des quidams qui l’ont à peine côtoyé autant d’occasions de manifester un silencieux respect. Je suis de ceux là.

Jojo était d’une espèce rare, toujours dans l’espace de ce pays, un rocher, ou la mer, un pied de vigne peut être, un mètre de murette, un morceau de notre paysage finalement. Oui de notre paysage.

Jojo Pous est dans le paysage désormais, le notre. C’est un début de réponse.

Banyuls sur mer, avril 2013

4 commentaires

  1. POUS Manée |

    merci pour ce texte, cette écriture, j’y ai trouvé beaucoup de douceur, d’humour, d’humilité, de poésie……., j’ai ressenti une forte émotion, j’aime ce portrait de mon père.

    • Germinal Rebull |

      Oui Manée, la poésie c’est celle de ton père. Et pourtant bien cachée derrière son sourire. Il faut être un quidam bien anonyme pour ne pas se faire avoir. J’ai vu.
      Germinal

  2. coste Annie |

    j’aime ce texte sur Jojo et sur les parapluies qui sont venus éclairer ce jour sombre.
    et le ciel et la mer qui se sont déchaînés ont pu dire comment un pilier de Collioure mis à terre vivait profondément encore dans le coeur de chacun.
    je vais régulièrement « als Templers », pour retrouver ces âmes qui flottent toujours parmi tous les tableaux.
    ils aimaient les artistes, et les artistes les aimaient.
    annie

    • VASSAS.J |

      L’Eternité

      Elle est retrouvée.
      Quoi ? – L’Eternité.
      C’est la mer allée
      Avec le soleil….
      A.RIMBAUD

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