Et oui, Snowden confronté à un état inquisitoire et planétaire (Google +Yahoo+Facebook+etc = +- l’infini), il décide de transgresser. Mais c’est l’essence d’un acte artistique cela !
Goya qui en a assez de voir les femmes vêtues commet la « Maja Desnuda » transgressant la norme imposée par l’inquisition, celle de son temps, et voilà une grande oeuvre libératoire, un pas posé au-delà, soit une oeuvre artistique telle que Deleuze, Bataille et tant d’autres l’envisageaient. Il s’agit bien de dépasser un état, projeter une vision le dépassant et en donner un sens neuf.
D’accord, Snowden s’il a du talent, il l’ignore probablement et surtout il diffère de celui de Goya.
D’accord Snowden est réac, il soutient des candidatures de républicains américains parmi les plus durs mais le voilà lui même soutenu par la gauche américaine, comme si son acte était suffisamment transversal pour donner à son « oeuvre » un label universel.
D’accord il est immature et en bon geek, employé, il se paye une petite révolte, dont par ailleurs il n’est pas en mesure d’évaluer la portée, un peu comme une « oeuvre naïve », mais cela ne change pas la structure de son acte.
Il nous sort de la torpeur que nous acceptions alors qu’on l’imagine des signes par ci, par là pouvaient interroger les consciences. Il déchire le rideau et aujourd’hui ne peut plus ressembler à hier.
Il pourrait donc prétendre figurer comme créateur au même titre que beaucoup d’artistes qui « dénoncent », souvent dans la redondance propre à la production publicitaire, et qui ont les honneurs de nos temples culturels.
Imaginons l’installation qui figurera le geste de Snowden. Oui au Moma, ou bien dans une biennale.
D’ailleurs c’est déjà envisagé, une aubaine, une mêlée réjouissante.
14 commentaires
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Commentaire de N. Morel via gmail
Cet « insert » m’a réjoui. Est-il de toi? En tout cas, comme disait l’autre: « Si non e vero, e ben trovato ».
Cependant, il faudrait déjà célébrer comme une oeuvre d’art, le dispositif PRISM (?) qui aurait sans doute séduit Herman Broch. Si A connaît B, qui connaît C, lui-même suspecté d’entretenir des relations avec X, Y, Z…, alors A devient lui-même suspect = susceptible d’être écouté. Mais comme A entretient par ailleurs des relations avec G et N (mettons), alors G et N auront les oreilles qui sifflent.
Juste retour des choses?
De germinal à Nicolas
je me suis bien diverti de tous les petits cris de nos grands..
Il n’en reste pas moins que la structure de l’acte de Snowden est un acte de grand Art.
Ceci dit il aura du mal à être là le jour de l’inauguration au MOMA
De Nicolas à Germinal
Eh bien, bravo!
Du reste, la performance se poursuit en son absence qui devient une forme postmoderne de présence, une sorte de fantôme. Comme en témoigne la mésaventure de Morales, suscitant un véritable concert de propos hypocrites et allant jusqu’à brouiller l’élocution de notre Ministre de l’Intérieur (dénomination la plus détestable de la langue française, selon Godard).
Donc, il n’est nullement certain que Snowden ne soit pas « là » le jour de l’inauguration au Moma.
Wait and see
Les français ne laissent pas passer l’avion de Morales, ils ont des systèmes d’écoute, si moins puissants , au moins aussi mal intentionnés que ceux des Etats Unis, donc tous le monde se tient par la main. Il y a des tractations commerciales en cours dans lequel le rapport de force pourrait être rééquilibré. Sujet d’un polar: les français manipulent Snowden pour ce faire
Non j’exagère….
Snowden finira dans une académie, vous savez. C’est le minimum.
La transgression comme acte créateur, sans doute. Transgression de quoi? Il y a un pas, et considérable, entre le geste créateur et le geste artistique. C’est là que la notion d’oeuvre entre en jeu. Transgresser, cela fait de Snowden un créateur ( aujourd’hui tout le monde est enjoint à être créatif) mais pas un artiste. Je sais, on va me rétorquer: ‘mais qu’est-ce que c’est un « Artiste »? »
Oui en effet il faudrait affiner la notion. Qu’est ce que des gens produisent qui reste identifié comme de l’art? Ici seul le caractère transgressif de Snowden est retenu bien entendu, avec quelques interrogations quand même.
Aujourd’hui il suffit de déposer auprès d’une caisse d’assurance ou un organisme de registre commercial le statut d’artiste. Ce qui implique tout comme pour le poissonnier de vendre du poisson, à cet artiste de faire de l’art ou au moins d’avoir des « pratiques artistiques ». Là on est embêté pour affiner et tu as bien raison de pointer l’urgence à penser comment.
Il y a quelques balises dans l’histoire et pour des récentes:
Exemple du ready made. Au dire de Duchamp lui même la roue de bicyclette ou le porte bouteille ou l’urinoir sont des concepts permettant de poser la question de l’évolution de l’art. Sans comporter de pratique artistique du tout, juste un tournevis et un socle, voire rien du tout.
Une fois l’énoncé dans l’air, il ne peut y avoir d’autre ready made que le premier. Les autres colportent le même concept par clonage successifs. Ce qui fait dire à Bernard Noel « l’art conceptuel m’ennuie parce que j’ai compris l’énoncé avant ». Il y a donc en ready made beaucoup de pratiques artistiques (on en voit partout et de toutes sortes) pour pas de conceptualisation nouvelle et depuis longtemps (1923)
Voyons Koons, issu du monde des traders, il a des pratiques à l’aide d’atelier/usine, bureau d’étude et ingénieurs, et aussi études marketing. Y a t il quelque chose de nouveau à l’horizon qui diffère de la production publicitaire ? ou assimilable au ready made (c’est lui qui le mentionne). Dans le fond la plus belle expo de conceptuel c’est dans la rue, et renouvelée à souhaits.
Je sais qu’il reste tant d’actions qui interrogent et consistent à faire ce pas risqué dans l’aventure de la compréhension. On en reparlera.
Comme d’habitude c’est aux marges qu’on trouve les plus dynamiques.
D’ailleurs bientôt sur ce blog un texte qui osera établir un lien entre les choses les plus simples en termes d’émotion « artistique » , l’art forain, et justement les dérives qui sont le fait du flux de l’argent. On est en un siècle qui a inventé le terme de « marché de l’art ». Vite courrons nous inscrire au registre du commerce.
Après Kant, la réflexion contemporaine a bousculé les canons établis pers les Grecs: la laideur et le banal se sont données comme des catégories esthétiques et la question « QUAND y a-t-il art? » s’est substituée à « qu’est-ce que l’art? »
Une question émerge: doit -on au vu de notre contexte poser la question de la question.
Le marché impose une sorte de droit au crachoir pour dire. Le statut donne le droit.
Je reste interrogatif: du point de vue grec, un missile n’est il pas de l’art ? Il est la somme des savoirs et du meilleur faire de notre société n’est ce pas ? Il est aussi vital (nous dit on) qu’une divinité l’était pour notre survie.
Du point de vue de Kant je ne saurai pas trop modifier la proposition. Il me semble qu’il me manque un élément. La question a toujours été posée ou n’avait pas à être posée. Le type qui charbonne des buffles à Altamira sur les parois de la grotte ne se considère certainement pas comme un artiste, (le mot n’existe pas) et aujourd’hui de l’art ce qu’il a produit, c’en est. On lui vole quelque chose à ce gars là. Je dis ce gars parce que les études les plus précises nous disent que sur quelques milliers d’années, un seul homme a peint une série, puis deux ou trois gars ont répété, mais à quelques milliers d’années de distance. C’était pas une école
L’acte de Snowden n’est pas plus subversif que celui de Bradley Manning, Julian Assange ou Jason Trigg…
C’est internet, outil de communication et de contrôle qui contient sa propre subversion. Était-ce le cas du temps
de Goya? La peinture s’adressait-elle à tous?
Je ne saurai pas faire un palmarès entre tous ces jeunes gens, classés selon le degré de subversion. J’ai seulement pris au vol ce dernier événement principalement pour le caractère inquisitoire des systèmes réseau nettement réactualisés. Ce qui m’a fait penser à Goya lequel a eut affaire à l’inquisition de son époque.
La peinture de Goya n’était accessible qu’à un petit cénacle et même les fresques de SAN ANTONIO DE LA FLORIDA à Madrid n’ont été vues pendant longtemps par un parterre de notables qui parfois pouvaient lever le nez. Mais son oeuvre assurément était portée par un fort désir de s’adresser à tous. Cela est venu plus tard et encore.
Le caractère transgressif est le seul paramètre qui est débattu. Mais il est un point commun dans la comparaison. Ce qui à mes yeux est déjà une entame sérieuse pour examiner ce qu’est l’art en particulier de nos jours dans la mesure ou se superposent facilement des productions vraiment prospectives (transgressives), avec une multitude d’autres qui n’ont comme vertu que d’appartenir au « marché de l’art ».
Statut de l’artiste question: « qu’est-ce désormais que l’art? »
Le cinéaste et critique J.-Cl. Biette a écrit qq part (comme j’égare ttes mes sources, je cite de mémoire): Goulda, pianiste-interprète, est un artiste. Mozart, non: il n’avait pas le temps d’en être un.
Jusqu’à Duchamp, on était forcément amené à opérer une distinction entre, d’une part, Projet/Intention/Concept/Conception et, d’autre part Exécution/Résultat/Produit. dans toute critique digne de ce nom, qu’il s’agisse de Diderot, de Baudelaire ou de Zola, cette distinction était toujours explicite ou sous-jacente. Mais, spontanément, tout spectateur – même le plus « naïf » – d’une œuvre d’art, la faisait. Comme en témoigne par exemple, la réception du « Déjeuner sur l’herbe »: ce public qui s’en gaussait (la majorité) appelait « sujet » (messieurs habillés et femme nue) ce que nous appellerions conception. Pour ce public, il y avait, en somme adéquation, entre « sujet » et « résultat » puisqu’il jugeait l’un comme l’autre dérisoires.
Paul Valéry, dont l’ambition était de tout mathématiser (ce qui ne signifie pas automatiquement quantifier), on pouvait/était en droit, considérant tte œuvre d’art (il y incluait la poésie) d’établir un rapport calculable entre le premier niveau et le second. Il a ainsi écrit dans l’un de ses Cahiers (mais lequel? encore une fois je cite de mémoire) que ce rapport pouvait s’exprimer sous la forme d’un quotient. Soit Q = C/P.
Plus Q tendait vers 1, plus l »œuvre était « réussie ». N’oublions pas que son artiste modèle (parmi les vivants) était Degas. Du pt de vue de Degas, perfectionniste, telle « Danseuse » aurait pu avoir comme Q, 0,7 (par exemple). C’était beaucoup plus difficile de calculer un tel quotient pour X (Valéry, mettons) différent de Degas. Comment rentrer dans l’esprit d’un Goya ou d’un Delacroix jugeant « La Maja desnuda » ou « La Mort de Sardanapale? Pourtant, tel aurait été selon Valéry, le devoir/la tâche de tout spectateur se prétendant critique. Au temps de Kant, quand il s’agissait de trancher de ce qui était beau, la question ne se posait pas. Qui contemplait le Parthénon saisissait d’emblée ce rapport puisqu’il était rendu visible par la forme même. (Autre était le statut du Sublime). Aujourd’hui, si nous calculions la « valeur esthétique » d’un produit des entreprises Buren ou J.Koons, nous obtiendrons sans effort Q = 1. Autrement dit, ces « œuvres » sont forcément réussies. D’où leur inintérêt fondamental. Libre à nous de trouver les premières insignifiantes et les secondes horribles. Cela n’a plus d’importance, C’est du ressort de LVMH ou de qq pétrolier texan.
Popper et ses émules appellent « monde ouvert » un monde régi par le Marché (par nulle idéologie). Monde ouvert, peut-être. Système clos, sans nul doute. Serpent qui se mord la queue.
ERRATA
Il faut lire « société ouverte » et non pas « monde ouvert ». M’étendrai pas sur cette erreur, due au fait que j’ai toujours eu du mal à dissocier l’un(e) de l’autre. C’est pourquoi, sans doute, la déclaration de la redoutable Maggie (« There’s is no such thing as society ») m’avait tant choqué.
Avant « Paul Valéry », il convient d’ajouter « Pour ».
Toujours premier(s) jet(s) sans notes, ça m’apprendra.
toutes mes excuses.
Andy Warhol faisait tous ses achats en cash. Chaque fois qu’il dépensait 5, 10, 20, 50, 1OO dollars, il découpait un coin du billet et le conservait dans une enveloppe spéciale. Lorsque sa collection a été mise aux enchères, les enveloppes contenant ces coins de billet ont atteint des prix supérieurs à ce qu’auraient valu les billets entiers dans un échange commercial ordinaire.
La valeur ajoutée par le contact d’une personnalité hors du commun (il y avait déjà tel paquet de gitanes vide froissé par Picasso…) semble, avec Snowden, s’étendre à la société humaine. Au fond, c’est peut-être par fétichisme que l’on appréhende l’ami du journaliste qui a approché Snowden.
Elargissant notre perception de l’art contemporain, et nous rappelant par exemple « Apocalypse Now », il nous faudrait peut-être considérer comme une performance le fait qu’un people comme BHL puisse déclencher une guerre dévastatrice ayant pour conséquences de multiplier tueries, blessés, viols et autres exactions spectaculaires (qu’on ne nous montre pas assez…) et d’accumuler ruines sur ruines (ce que seul peut voir l’Ange de l’Histoire, selon Benjamin, et que « nous appelons le progrès »). BHL pèche par modestie. Au lieu de nous vendre « philosophiquement’ Jeff Koons, Baselitz et consorts, c’est lui-même et son œuvre qu’il devrait présenter dans sa fameuse expo.
Pour BHL c’est « conceptuellement » tout à fait vrai. Mais dans une logique de marché, et c’est bien de ce créneau qu’il cause toujours, même quand il tente de faire croire qu’il cause d’autre chose, il a bien fait de choisir des produits qui marchent.
Encore que l’on puisse l’imaginer dans une scénographie sérieusement vendeur. Un plateau TV entouré de cadavres, de femmes violées, d’armes livrées en grande pompe, la chemise blanche au vent.. Que du bon, cela pourrait marcher.