Dodoma, Tanzanie 1977

Date
 26 juin 2013
Commentaires
8 commentaires
Share

La Capitale de la Tanzanie, Dar el Salam, doit être transférée vers Dodoma. Un projet est en cours, proposé par une agence canadienne et il s’avère totalement surdimensionné. Les réalités économiques et politiques imposent des options plus modestes. Un groupe d’architectes et d’urbanistes Mexicains dirigée par Eduardo Terrazas de la Pena est invité  pour réfléchir à un contre projet. Eduardo, rencontré à Harvard me demande de contribuer. J’y vais…

DODOMA relief et ville

Afin d’assoir les nouvelles propositions sur des bases solides je développe l’étude du site sur des principes physiques car surprenant, cela n’a pas été fait.

L’étude porte sur le développement pondéré du centre de Dodoma afin de tenir compte des existants. Par exemple le projet canadien préconise de déplacer la gare ferroviaire à 10km( !!) alors que tout autour de la gare existante s’installe un quartier dynamique.

 

DODOMA ESQUISSE

Même chose pour le marché qui est carrément éradiqué.

Dodoma rue 2

Un inventaire du développement urbain en le comparant à la topographie et en y incluant les zones des bidonvilles construits spontanément est également dressé.

A partir du plan des courbes de niveau le relief est décomposé de manière à qualifier les versants par leur orientation. Ce document est comparé aux développements urbains  et en particulier avec les bidonvilles qui se développent rapidement.

Cette superposition est sans ambigüité et montre que systématiquement ce sont certaines  lignes de rupture du relief qui sont investies par les quartiers « sauvages ».

L’étude des « versants orientés »

dodoma anim

Cliquez sur l’image ! 

On constate que tous les bidonvilles s’installent sur des ruptures de pente quasiment Nord Sud, c’est à dire là où les vents dominants en provenance de l’Est ne sont pas bloqués par le relief et assurent une bonne ventilation des habitations.

 

Un autre point fut abordé. Dans le lit des rivières le phénomène d’érosion est important du à un régime pluviométrique très brutal de la région. L’érosion rapide compromet la stabilité des rives. Les barrages importants qui auraient permis de contrôler les pics de pluie ont de gros inconvénients. Ils font appel à des technologies lourdes et coûteuses. L’eau retenue s’évapore rapidement et contribue peu à faire des réserves d’eau durables. Les moustiques s’y développent tout comme de nombreux  parasites. De plus en aval ou en  amont d’un gros barrage le problème de l’érosion perdure.

 

C’est sur les conseils d’Henry Fosbrooke[i], précurseur de l’écologie locale,  qui avait observé comment des villageois arrivaient à gérer l’érosion,  qu’une option réaliste est formulée. Fosbrooke propose une solution connue des autochtones qui consiste à faire des très petits barrages en espalier le long du lit des rivières. Ce qui fait appel à des techniques rustiques et bon marché. Les petits barrages de rétention s’ensablent rapidement pour former des terrasses successives. Le sable retient l’eau dans sa masse, les moustiques ne peuvent pas y survivre car l’eau  du dessus s’évapore mais reste stockée dessous à l’abri du soleil. Les rives de ces plateformes qui se forment naturellement, acceptent toutes sortes de végétaux adaptés qui les stabilisent. La surface de l’ensablement durcit avec le temps et devient praticable. En cas de fortes pluies l’eau passe par dessus mais nourrit cette espèce d’éponge naturelle.

La forme et le nombre de ces espaliers dessinent un plan de développement très différent des infrastructures prévues.

Ainsi en tenant compte uniquement de ces deux données, les versants et le lit des torrents, un plan original pouvait être envisagé.

Forcément il était aux antipodes d’un schéma d’autoroute (en 1977 il n’y avait que 650 voitures immatriculées dans toute la province de Dodoma !).

 

Rien ne fut fait et le plan actuel de Dodoma ressemble à un quartier pavillonnaire occidental.

 


[i] Henry Fosbrooke :   http://www.ntz.info/gen/n00176.html

En plus de ses bons conseils, Fosbrooke connaissait toutes les falaises où l’on pouvait découvrir des peintures rupestres qui rappelaient celles des Anasazi au Nouveau Mexique. Comme quoi, à la facture picturale près, les préoccupations célestes n’ont pas de frontières.

Comme il se baladait tout le temps et partout avec sa vieille Land Rover, j’avais l’impression qu’il pouvait parler aux lions que l’on croisait, il aurait pu les appeler par leur prénom. Sérieux !

8 commentaires

  1. Chloé |

    Belle étude, vive les crayons de couleur !

  2. vassas Jane |

    Oui. Partir de l’existant et penser à partir des données, de ce qui est-là et que souvent on ne voit pas; plutôt que de plaquer sur les lieux des modèles architecturaux surdimentionnés et inadaptés qui à leur tour engendrent des projets du même acabit. Dresser une topographie rigoureuse et une cartographie précise (avec les moyens du bord qu’étaient les crrayons de couleur à l’époque) se matérialisant par un dessin (beau en plus!) ), prendre en compte les éléments naturels en les considérant comme des ressources et non pas comme des ennemis à dompter ou même à abattre. Dodoma aurait pu être…on parle au conditionnel passé. Un regret?
    JV

    • Germinal Rebull |

      Oui des regrets, quelques quand même… et puis pas de regrets car tout s’est passé selon le cours inexorable d’un flux étranger aux vrais besoins. Mais c’est partout et une fois que l’on comprend de quoi est fait ce flux c’est fini pour les larmes. Rien n’y échappe et de plus en plus radicalement. Pourtant il se passe plein de choses…gardons l’oeil frais.
      Jane tu verras dans les commentaires sur « Slogan » un échange avec N. Morel.
      Merci de te rappeler Dodoma. Je vais écrire un truc sur les matchs de foot là bas. Aux antipodes de l’idée que l’on se fait de ce sport. Un plaisir.

      • JV |

        Les matchs de foot. Et aussi les séances de cinéma, aux antipodes de l’idée que l’on s’en fait. La projection de « films indiens », bolywoodiens avait lieu en plein air. Du cinéma non pas regardé mais vécu. Des rangées de chaises bancales alignées et un drap blanc tendu en guise d’écran. Le spectacle était plus parmi les spectateurs que sur l’écran, lesquels commençaient par se lever et finissaient debout sur les chaises. Du cinéma vivant s’il en est.

        • Germinal Rebull |

          Je ne me rappelle pas le nom de l’acteur qui jouait dans les Western mexicains projetés en même temps que les fabuleuse saga indiennes. Mais je me souviens que l’on avait baptisé le chauffeur du bus qui ramenait les bobines du même nom au simple motif qu’il était un des rares à porter moustache.
          Ainsi le cinéma vivant se prolongeait en ville..
          Les premières pluies de mousson qui délogeaient tous les scorpions de sous terre et sur lesquels on marchait, avec ce petit bruit craquant sous la semelle. Un festif rendez vous annuel. Et Gladyness avec ses yeux vert (!!), la jardinière bantou qui les écrasait pied nus sans hésiter.

  3. Berty Turquier |

    Magnifique projet, qui fait rêver. Dommage pour Dar es Salam.
    Dar es Salam me fait immanquablement penser à Roald Dahl, l’écrivain gallois (« Charlie et la chocolaterie », « Bizarre ! Bizarre ! ») qui en parle dans son livre autobiographique « Going Solo ». Je conseille fortement à tout amateur de bonne littérature de lire ce bouquin, paru en français sous le titre de : « Escadrille 80 ». Dahla a séjourné à Dar es Salaam en 1938, à 22 ans, comme employé de la Shell. La Tanzanie s’appelait à cette époque le Tanganyika, et son livre contient des descriptions fantastiques des gens, des plantes et des animaux rencontrés, avec quelques photos en noir et blanc. Le récit de sa rencontre avec le terrible serpent Mamba est une pièce d’anthologie.

  4. Germinal Rebull |

    Merci
    Ce projet,vient s’ajouter à la longue liste des « loupés » pour des raisons triviales, hélas.
    Je connais bien l’histoire de cette région, et vous recommande le film,de Annaud « La victoire en chantant » pour la période 14/18
    L’indépendance de la Tanzanie (heureux mélange de Tanganyika et Zanzibar ) fut acquisse par la pugnacité de Julius Nyerere, premier lord noir à Londres… (faut le voir avec la perruque de circonstance), par voie électorale. J’ai eu le privilège de lui serrer la louche, bon dans un cadre protocolaire s’entend. Mais je suis heureux de l’avoir fait. Çà fait un souvenir sans portée aucune…que pour moi.
    Je raconterai plus tard les matchs de foot entre le CDA de Dodoma (Capital development autority), hé oui j’ai fait partie de leur équipe, mes tibias s’en souviennent, avec des garnisons locales. Une véritable leçon d’architecture et d’urbanisme, oui vous verrez…le rapport entre vie et savane.

  5. margarida AROLES |

    Entre le bon et le mauvais choix les décideurs qui, chacun le sait, sont tellement plus intelligents que le commun des mortels, choisissent toujours le … mauvais ?! Acte délibéré ou stupidité crasse qu’aucunes études de haut niveau aussi longues soient-elle ne peuvent effacer ? … Deu ho sap i Germinal, denunciant aquestes aberracions …

Laissez un commentaire...

Un instant...

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.