Portraits – Germinal Rebull https://germinal.rebull.fr Le site de Germinal Rebull Wed, 14 Oct 2020 08:14:31 +0000 fr-FR hourly 1 Mimétismes https://germinal.rebull.fr/mimetismes/ https://germinal.rebull.fr/mimetismes/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:25:17 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1362 « Yoyo », ou l’acrobate des vignes   Elle n’est pas évasive quand on lui demande pourquoi on l’appelle « Yoyo », pas exactement, elle ne semble pas savoir elle-même, alors elle sourit, ce qui est tout à la fois une fin de non-recevoir ou une opportunité pour imaginer toutes sortes de possibilités. Le sourire c’est comme des points […]

Cet article Mimétismes est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>

« Yoyo », ou l’acrobate des vignes

 

Elle n’est pas évasive quand on lui demande pourquoi on l’appelle « Yoyo », pas exactement, elle ne semble pas savoir elle-même, alors elle sourit, ce qui est tout à la fois une fin de non-recevoir ou une opportunité pour imaginer toutes sortes de possibilités. Le sourire c’est comme des points de suspension dans une rédaction, le lecteur doit deviner la suite…

Alors, est-ce que ce « yoyo » est une résonnance écorchée de Laurence ?

Pas crédible a priori, aucune syllabe qui sonne pareil ou vraiment à peine. Autre possibilité, ses parents disaient d’elle que..  Vu que ceci….Vu que cela…ah, je ne me souviens même pas de ce qu’elle m’a raconté à ce propos, comme quoi elle a réussi son coup, il faut supposer la suite.

N’empêche, « Yoyo » ! c’est comme cela que tout le monde l’appelle. Et pas que… Elle est viticultrice et tous ses vins s’appellent aussi « Yoyo.

Sauf que ces derniers ont un prénom, tel que « Yoyo de l’année », « Yoyo de là », et même « Yoyo nature ».

Une observation cependant : « Nature » figurant sur toutes les cartes d’identité de ses bouteilles, ce ne peut être un prénom. Cela correspondrait plus à l’usage de deux noms de famille par une seule personne. Ce qui est toléré par la loi.

C’est ailleurs qu’il faut aller chercher les raisons du Yoyo.

Évidemment, en l’absence de solutions qu’elle pourrait proposer, on peut voir si cette femme-là a quelque chose de commun avec le jouet du même nom, celui qui s’enroule sur une cordelette et qui est à ce que l’on dit, un des plus anciens au monde.

Que dit l’expert en yoyo ?

L’objet cylindrique et aplati, tourne de plus en plus vite pour accumuler de l’énergie, ralentit à la demande, grimpe le long d’une ficelle et miracle s’élève dans l’espace pour y décrire des boucles au gré des différentes forces libérées pour l’occasion. À chaque aller-retour existe ce point précis, là où le « yoyo » complètement en bout de course, hésite, se demande s’il peut rester au bout de la ficelle tendue, ou revenir et s’y entortiller. Prenant alors conscience que ce n’est pas raisonnable au vu des énoncés des lois de Newton, il décide de saluer gracieusement la foule admirative, avant d’aller se refaire un plein de forces grâce à de véloces rotations et proposer une nouvelle pirouette tout à fait inédite. Effectivement, il y a là une piste, je le dis, une piste moderne, car ce jouet, malgré son ancienneté, n’est pas démodé du tout, car grâce à une ficelle et un machin qui tourne, sont possibles d’incroyables figures complexes, des trajectoires extravagantes que seules justifient une algèbre à plusieurs inconnues. Il faut se méfier cependant du détournement du yoyo selon des points de vue conceptuels, vous savez, cette tendance qui associe une image à un mot pour vous faire croire que vous êtes ignorant. Le concept ici n’est pas si simple, il n’est pas du même tonneau que ceux qui nous fabriquent de la publicité et même quelque chose que certains appellent de l’art. Ne rapporte-t-on pas que dans une contrée lointaine des yoyo en bande brisent des bouteilles et des verres, des verres pleins de bon vin ? On sait que des membres de cette ligue sont d’anciens cadres de l’administration sanitaire et de fervents ennemis du libre arbitre, des amis de la consommation.

yoyo grec

Plus professionnellement et dans la circonstance, pour que « Yoyo » fasse une viticulture qui sollicite autant le goût que la curiosité, la sienne, elle doit intégrer mille petits faits observés par la grâce de terrasses de vignes bien dessinées et cela est aussi mystérieux que les mathématiques des mouvements planétaires. Mais ce n’est pas suffisant ! Elle parvient à ses fins par la présence dans son proche environnement d’au moins un individu qui a des solutions pour quelques-unes de ces aériennes équations, il existe, il est par là, un peu chamane. Plusieurs témoignages l’attestent, il a été vu avec une mule avec laquelle il parle. Il doit en solliciter les compétences. Cet animal a la vertu d’éclairer les augures. Il n’y a pas de doute, la mule c’est l’indice, c’est tout en sagesse, il y a toute l’antiquité dans ce quadrupède tout à la fois cheval et âne, rien que cela.

Pour le rédacteur, votre serviteur, c’est bien le jouet qui inspire le surnom de Laurence Manya Krief, dont l’agitation défie la pesanteur, celle du Domaine de Yoyo.1 , lieu où l’on évite les ordres viticoles et les orthodoxes du nez.

Ce jeu est bien la raison pour laquelle tous l’appellent « Yoyo ».

Cette femme vive sur pattes peut nous resservir une tournée, joyeusement, avec couleur d’yeux qui font reculer l’adversité et les incertitudes des saisons. Ces dernières qu’elle défie en allant les interroger avec ses voltiges dans les airs de la vie.

1     http://domaineyoyo.fr/

______

 Patrick Jude

 

 

Sur la plage, il y a des années, tout ce qu’il racontait n’avait de sens qu’illustré par le jeu habile et expressif de ses mains.

Et raconter c’était son affaire. Il parlait beaucoup et ses mains en mouvement, c’étaient des sous-titres. Ce qui faisait que, sans médisance aucune, si ce qu’il racontait restait hors de portée, et bien grâce à ses gestes on comprenait.

Toujours est-il, qu’il a fait de cette expertise acquise dès ses premiers émois, là sur la plage, son métier. Il raconte et ses mains traduisent.

Donc il est peintre.

Pour des raisons de rédaction, il faut aller à l’essentiel, mais il faut toutefois préciser que pour toutes les choses de sa vie, il procède selon une méthode en vigueur dans les laboratoires où l’on réalise des satellites. Là où pas un cheveu ne traîne, où tout est pesé, évalué et contrôlé, pour garantir le meilleur résultat. Qu’il prépare un cadre, une toile qu’il achète un sécateur ou des espadrilles, tout procède de cette méthode. Il n’y a qu’à voir comment il soigne l’olivette attenante à sa maison, une pente de cailloux parfaitement agencée en terrasses avec les oliviers à leur place exacte. Idem pour les outils sur l’étagère de l’atelier, on y détecte à peine les traces de son travail tellement c’est rangé… et de bonne qualité.

Aujourd’hui, Patrick dispose d’une œuvre. Il lui suffisait de raconter en appliquant la méthode, ce qui est simple dans l’énoncé, mais plus difficile qu’il n’y paraît pour y parvenir.

Aujourd’hui, ayant fait le tour de tellement d’affaires qui ont jalonné notre temps, après les avoir mises sur toiles, il trouve que peindre les vignes qui sont autour de son atelier, c’est une histoire largement suffisante pour que les grands principes mentionnés plus haut, puissent être appliqués.

Sur les collines autour de chez lui, les vignes sont réalisées selon une logique stricte. Ce qui n’empêche pas que souvent le résultat est compliqué, voire inexplicable. Les reliefs sont inattendus et il y a de curieux accidents partout. C’est fait de murettes qui soutiennent les coteaux, des tas de canaux traversants, et autant de déversoirs et petits aménagements qui encaissent les intempéries. Tout cet attirail peut être consigné dans une longue liste de noms catalans dont on épargnera le lecteur. Après tout ce n’est pas ici un manuel de vigneron.

Ce qui est remarquable, c’est que Patrick Jude, à force de raconter ces vignes, de les peindre, s’essayer lui-même à les comprendre, il les simplifie, cherchant à n’en rendre que le cœur. Partout où les yeux peuvent porter, il cherche une réponse à ce qui est l’esprit d’une relation entre la nature et une activité humaine. Cela est un thème qui lui est cher, et peintre qu’il est, il en rend compte dans ses toiles.

vignes basse resolution 1

Là commence la magie. Au fur et à mesure qu’il s’approche d’une vérité des formes et des couleurs, ses mains se fâchent. Tout ce qu’il enlève de superflu, tout ce qu’il laisse de coté pour éclaircir sa narration, absolument tout se retrouve dans ses mains. Les pleins et creux, les reliefs tortueux des cailloux et des ceps, toutes ces aspérités se glissent dans ses phalanges. Ce qui n’est plus sur la toile se retrouve dans ses doigts. Pour lui, c’est une maladie, et il souffre assez pour qu’on en soit convaincu. Mais cette affaire a des précédents, tel ce gitan célèbre qui offrit le meilleur de sa guitare avec les deux doigts que la vie lui permit de conserver.

C’est peut-être aussi le résultat d’un mimétisme involontaire, d’une immersion profonde pour aller chercher des fraternités cachées, mais tout aussi significatives, qui existent entre le paysage et nos rêves.

Bien sûr, quelques tenants des Olympes de la psyché affirmeraient que tout cela s’expliquerait par l’histoire d’une figure mythique qui d’autorité postulerait que la souffrance est en fait une merveille. Ceux-là disposent d’une espèce de science dont les remèdes abolissent toute interrogation et même l’impossible. Et si l’impossible disparaît, alors à quoi bon se lever le matin.

Il s’agit de tout autre chose. La fascination de Patrick devant l’enchevêtrement des pierres, les alignements et détours de ces lignes qui habillent le paysage, la déchirure de l’esprit qui ne se contente pas d’une surprise béate devant ces collines vêtues par l’homme, tout cela a obligé ses mains à se superposer au dessin fantastique des vignes dans la lumière, à leur part d’irrésolu. Et avec le temps, chaque fois un peu plus dans sa peinture, il nous dit que notre univers n’est que répétition et l’infini une illusion.

Il nous dit avec un sourire, que ses mains, il pourrait les coller directement dans la toile de sa dernière vigne, celle en cours, et ce ne serait que deux pieds de vigne de plus, et d’un réalisme inégalé.

La douleur serait une rançon pour saisir un petit fragment de vérité . Patrick ne la payera pas, il n’est pas du genre à faire des dettes.

La réalité, si elle existe vraiment n’est qu’une succession d’obstacles qu’il faut franchir, et dont on ne tire qu’un atome de sens à chaque fois. Dépassé l’un, il faut aller vers l’autre.

Alors, Patrick Jude raconte, il parle et ses mains font le reste. Il semble heureux, comme quand nous étions sur la plage, c’est tout.

 

 

Patrick Jude, habite Banyuls sur

 http://www.patrick-jude.com/

 

Cet article Mimétismes est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/mimetismes/feed/ 0
Optique et chaos viticole https://germinal.rebull.fr/optique-maths-theorie-du-chaos-viticole/ https://germinal.rebull.fr/optique-maths-theorie-du-chaos-viticole/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:15:10 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1358 De l’optique pour commencer Annie Coste ([1]) Prisme Enfants, nous avons tous joué avec un prisme, celui qui nous rendait capable de déplier la lumière et même de parler avec le ciel. Il suffisait de le tenir dans une main, orienter une de ses faces vers l’éclat du soleil, et de vérifier que la pluie […]

Cet article Optique et chaos viticole est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
De l’optique pour commencer

Annie Coste ([1])

Prisme

Enfants, nous avons tous joué avec un prisme, celui qui nous rendait capable de déplier la lumière et même de parler avec le ciel. Il suffisait de le tenir dans une main, orienter une de ses faces vers l’éclat du soleil, et de vérifier que la pluie des couleurs jaillisse par une autre face. Le jeu se prolongeant pour deviner quelle position serait idéale pour libérer sur le sol ou le mur de la chambre de multiples solutions, autant d’arcs-en-ciel vivants se modifiant à chaque mouvement dans une variété de rayures colorées et immatérielles.

Imaginez quelqu’un qui puisse vous envelopper de son amitié pour chercher quelle orientation de votre verbe permette tout à coup de donner de l’éclat à vos propres couleurs. Cette personne serait un prisme vous aidant à créer votre paysage, le territoire dont les frontières s’élargiraient au-delà de leur contour initial pourrait-on dire.

ARC couleur

Annie Coste utilise sa douceur comme un prisme, cela se sait et lui vaut renommée. C’est sa façon de faire, un principe qu’elle a mis en œuvre toute sa vie pour guider ses amis vers le modelé fait de cette palette. Elle ne compose pas, c’est votre propre rayonnement qui révèle l’espace qui est dans la pénombre, comme un peintre qui ne peut avancer que parce qu’il butte sur un obstacle. D’ailleurs, des peintres elle en fréquente continuellement et, lorsqu’elle en rencontre un, elle en profite pour glaner quelques nouveautés et lui passer en échange ses remèdes et ses trucs à elle.

Elle a une spécificité. Née, comme nous tous, après Œdipe ([2]) elle n’a que faire des cartes postales de l’âme vendues sur catalogue par les confesseurs d’aujourd’hui. C’est ce que vous connaissez de vous-même qu’il s’agit, et non pas un boniment  pour inventer votre partie ignorée. Au fond, elle tient le prisme et vous, vous faites le tableau. C’est si simple.

L’hiver, alors que l’ombre s’allonge et fraîchit l’air, Annie continue l’exploration de votre continent avec la lumière du feu de bois de sa cheminée. Les contrastes produits par le feu ne sont ni moins vivants ni moins fascinants que ceux inépuisables du ciel. Les flammes renvoient des éclats fugaces et dansants, il y a de la musique dans le crépitement du bois. En plus, elle a une radio ancienne qu’elle n’éteint jamais ou presque, c’est toujours la même station musicale et c’est bien.

Elle s’en va très loin exposer parfois. Alors elle emmène son attirail de campagne, le morceau de verre, sa boîte translucide, ses tubes et pinceaux cristallins, un petit chevalet invisible sur lequel elle posera le visage de son interlocuteur. Elle va au motif comme on dit.

L’écoute est minutieuse. Elle sort alors de la boîte un bleu ciel pour en faire un horizon qui apaise le cœur, ou un vert variable pour éclaircir les pas de ses patients qui s’aventurent dans leur nouveau décor. Il y a le choix des couleurs, car elles sont toutes contenues dans le blanc absolu de la lumière qui traverse le prisme. Elle privilégie l’utilisation de brosses fines pour appliquer des couches successives, s’adaptant très justement au relief de ses sujets. C’est pour cela que le temps qu’elle partage lui est indispensable, que voulez-vous, c’est un métier, il faut s’y connaître.

Nous, pendant qu’elle fait ses portraits dans des contrées lointaines nous restons ici, nous patientons, nous regardons le calendrier, nous demandons à untel s’il sait quand elle sera de retour, car il est temps de reprendre la pose. C’est un signe cela, de demander quand quelqu’un revient, on ne demande pas cela pour tout le monde.

Nous avons la même certitude, c’est qu’à la fin de sa tournée, l’ombre de son regard vous invitera dans un faisceau clair d’une belle journée ou dans le ballet de son feu de cheminée.

La voilà avec son prisme dont elle seule sait rabattre les angles vifs….

[1] Annie Coste : habite Banyuls sur mer

[2] Robert Musil « Oedipe menacé » in « Œuvres pré-posthumes », traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet, Seuil, Collection Points. Dans ce texte, Robert Musil écrit que lui est « né avant Œdipe » et non pas après. Contemporain de la naissance de la  psychanalyse, il s’amuse de l’aisance avec laquelle toute croyance s’accapare de figures héroïques.

__

 

Des mathématiques …. Théorie du chaos viticole

Carles Alonso[1]

Sensible aux « conditions premières »

La Théorie du chaos[2], c’est très simple. Dans un système donné, quelques paramètres bien définis créent un désordre incontrôlable quand ils se combinent entre eux. Ce n’est pas si simple, plusieurs mathématiciens se sont perdus entre les données initiales et le résultat final. C’est dangereux comme théorie. De plus l’expression « Théorie du Chaos », qui est très jolie, est abusivement de service pour toutes sortes de modes en mal de promotion. Ce qui complique encore plus.

Il y a des applications très connues de cette théorie. Ainsi de la prévision météorologique. Nous avons dans ce cas quelques certitudes, telles que la température de l’air en degrés, la vitesse du vent en kilomètre par heure, la pression atmosphérique qui se mesure pile poil. Mais quand nous sommes allongés dans un champ de luzerne à voir les nuages défiler dans le ciel, je devine dans celui-là la silhouette d’un lion tandis que mon voisin y voit la figure du Christ. Et comment calcule-t-on cela ?

La démographie, la stabilité des planètes sont également des sujets que cette théorie s’épuise à mettre en équation selon leur chaotique existence. C’est comme de calculer le rangement de la piaule des enfants. C’est bien un petit nombre de libertés qui engendrent un désordre ingérable.

Or, pas loin d’ici nous avons découvert une application inattendue de cette chaîne causale, et dont l’imprévisibilité est particulièrement délicieuse.

Nous voilà embarqués vers Els Vilars, un hameau situé au large d’Espolla, petit village de catalogne. Nous avons acheté l’huile d’olive à la coopérative et il nous manque du pinard et là-bas nous dit-on, il y en a.

Els Vilars c’est trois maisons regroupées dans un creux des collines, un vrai four quand le soleil en haut de sa verticale  se combine à l’absence de vent.

Nous nous mettons à la recherche du viticulteur. Nous appelons mais sans résultat. Entre les feuilles d’un énorme lierre accroché à l’une des maisons on devine une pancarte. En s’approchant on peut lire « Timbre »,  ce qui signifie ici sonnette. Nous sonnons et c’est de nouveau sans résultat. Nous allons repartir.

Ces données de base débouchent sur un premier accident de l’équation locale. Apparemment, c’est l’action sur le « Timbre » qui fait qu’une fenêtre s’ouvre et qu’une tête y apparaisse. Ces deux  évènements échappant à tout calcul prévisionnel.

La tête est celle d’un homme jovial, de bonne figure et au sourire généreux. Il se trouve, et cela est aussi un paramètre à priori bien connu, que l’apparition aléatoire a aussi soif que nous et que pour une fois, suite logique compréhensible par le commun des mortels, la tête nous invite dans sa cave.  Nous l’ignorons encore, mais c’est dans ce laboratoire que se développe la mise au net de nouvelles intégrales de la théorie.

Elles vous sont dévoilées en exclusivité ci-dessous.

Le principe initial de Carles,  puisque c’est le nom de ce savant, c’est de « ne rien faire », et cela est annoncé comme postulat. Soit, tout le monde doit être d’accord  sur les grandes lignes pour pouvoir discuter. L’argument est qu’il y a déjà trop d’incertitudes dans la nature et qu’en rajouter c’est prendre le risque d’en troubler l’harmonieuse musique. Encore valable.

Carles, nous montre une photo de ses vignes. On y distingue à peine les ceps qui  dépassent d’une canopée d’herbes en folie. « Ne rien faire » a-t-il dit, et  bien cela se voit. L’homme poursuit son académique démonstration. « Ne rien faire » c’est très compliqué, cela exige beaucoup de retenue. Lui doit identifier  chaque imprévisible de ces mathématiques, comme le moment de vendanger quand la première bordée d’incertitudes saisonnières a fini de se manifester. Alors il  peut faire son vin. Déjà les vendangeurs doivent pénétrer la  jungle. Et là il faut faire quelque chose qui tienne compte de la variété sociale de ces derniers, chacun a son humeur.  Carles a les bonnes réponses, il connaît plein d’options, il a beaucoup vécu, vous n’avez qu’a regarder ses chaussures.

PIED

A la cave il ne fait pas l’impasse sur l’axiome fondateur. Donc pas de tripotage pour élaborer le vin. Se retenir et laisser faire c’est très difficile, tout le monde ne sait pas s’interdire la joie fébrile de la prise de risque. Pas de rajouts, pas d’air parfois sous le bouchon, de la capsule s’il le faut pour préserver la nonchalance des fermentations.

Mais est-ce bon ?

Au bout de deux heures, une nouvelle preuve s’étale sur le bar. Il y a des rangées de bouteilles entamées de chaque coté et au milieu une forêt de verres en folie tout comme les herbes dans les vignes. C’est un ensemble qui atteste que personne n’a rechigné aux essais et vérifications. Nos visages ont viré vers des teintes ocre. Du pif de table à 15°, des pétillants troubles sans sulfites, il ne doit rester que les minéraux d’origine pour nous donner une telle patine. Nous avons des têtes minéralisées.  Si la table ressemble à la vigne, c’est bien qu’il existe une règle logique interne qui vérifie l’injonction initiale qui est de ne « Ne rien faire » pour arriver à d’agréables surprises.

D’une année sur l’autre, la production est versatile, chaque cuvée se distinguant de la précédente, sans aucune garantie sur la constance du caractère du vin. Seul un air de famille résiste à la « sensibilité des conditions premières »[3], la dominante conceptuelle de la théorie du Chaos. Ce n’est jamais plus ou moins bon. Cela ne veut rien dire pour ce fervent théoricien du déterminisme viticole. C’est juste du vin qui va bien, très bien. Que l’un voie la figure du lion au fond de son verre et l’autre ressente le  goût du Christ sur sa langue ne peut faire l’objet d’aucune notation, c’est juste la preuve que les plaisirs restent aussi multiples que le sont les choses dans la nature. Les vins « Dels Vilars » échappent au carcan des évaluations qui sont la norme du commerce, ils peuvent ne pas plaire dans les conventions et les salons.

 

On rentre chez nous en faisant confiance à la voiture et aux virages qui ont l’air de bien s’entendre. Nous n’avons pu acheter que quelques bouteilles car tout le reste partait pour San Francisco, parfaite illustration de  « l’effet papillon »,  l’autre nom de la théorie.  Effet  qui confère à une tournée en catalogne le pouvoir de compromettre une bacchanale californienne. Ou est-ce l’inverse ?  Je ne sais plus très bien.

 

Depuis trente ans,  Carles, en respectant les données primaires de ses terres, laisse les jus remplir des bouteilles selon de subtils aléas. Il suffit d’avoir de bonnes relations avec la vie pour que le désordre devienne un bon compagnon de table.

Carles  mérite une médaille, mais en mathématique peut-être, une sorte d’annexe à la « Fields »[4] tant il  nous a démontré que « Ne rien faire »  est le fait d’une imparable logique. Ce serait honorer ce théoricien du Chaos viticole.

Mais lui et les médailles…..

________

 [1]Carles Alonso : Vigneron bio a Els Vilars (Espolla). http://carrieldelsvilars.com/

[2] La Théorie du Chaos, formulée par Edward Lorenz (1917-2008)  est une extension de la Théorie des Catastrophes dont les bases conceptuelles sont dues à René Thom (1923-2002).  Celle des Catastrophe est elle même issue de la Théorie des Jeux.

[3] Sensibilité des conditions premières : d’un point de vue mathématique, on dit que la fonction F  montre une dépendance sensible aux conditions initiales lorsque :

equation copie

C’est ce que Lorenz a  traduit par : « un battement d’aile de papillon au Brésil peut entraîner une tornade au Texas ».

Cette note s’adressant aux experts.

[4]Médaille Fields : La plus prestigieuse récompense pour la reconnaissance de travaux en mathématiques, souvent comparée au prix Nobel.

__

Cet article Optique et chaos viticole est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/optique-maths-theorie-du-chaos-viticole/feed/ 0
Beaucoup de mémoire, un peu d’utopie aussi https://germinal.rebull.fr/beaucoup-de-memoire-dutopie/ https://germinal.rebull.fr/beaucoup-de-memoire-dutopie/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:13:15 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1338 Henri Baills[1] Agitateur Culturel. En une page c’est impossible, alors résumons. De sa ville il est le seul à tout savoir. Tout. Ce fait lui confère, de par une imparable logique, le statut de satellite d’observation géostationnaire. De plus il est couplé à une capacité de stockage de données tout à fait remarquable. Il contient […]

Cet article Beaucoup de mémoire, un peu d’utopie aussi est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
Henri Baills[1]

Agitateur Culturel.

En une page c’est impossible, alors résumons. De sa ville il est le seul à tout savoir. Tout. Ce fait lui confère, de par une imparable logique, le statut de satellite d’observation géostationnaire. De plus il est couplé à une capacité de stockage de données tout à fait remarquable. Il contient donc le patrimoine historique, social, politique et surtout passionnel de son village. Un ensemble collecté pendant plusieurs générations grâce au métier de sa lignée. Sa famille et lui-même, pendant plusieurs décennies, ont écouté le village entier lequel venait s’accouder au comptoir en zinc de son ancien commerce et rendre compte de la vie locale. La plupart des sources précieuses et inestimables sont à mettre au crédit de ses très fidèles amis et consommateurs, peu avares de confidences et de détails utiles à la bonne interprétation des faits. Citons ici l’exemplaire Jeannot Rosa qui, je crois, fut cofondateur de cette chapelle du sens. C’est là qu’intervient la qualité supérieure du sujet Henri. Il ne diffuse rien, pas la moindre fuite, ou plutôt pas de fuite inutile ou vengeresse. Seules quelques bribes suffisantes de par la qualité de leur contenu, pour faire avancer les choses de la cité. Henri est une sorte de magistrat d’une Athènes en Roussillon. Ce haut personnage antique sait glisser à la cantonade un propos qui fera sa pelote de passions nouvelles, ou initiera d’habiles subversions. Alors qu’il dispose de l’arme absolue, il en fait un usage pondéré et démocratique. La preuve c’est que vous pouvez le voir faire avec la même attention toute l’année sans que personne ne lui fasse grief. Il est salué par tous, sincères ou dévots. Pour aller chercher du pain, après une rapide évaluation de la situation, il organise son parcours pour limiter le temps des politesses et évitant de nuire à l’équilibre social. Il choisit alors de préférence de rues moins fréquentées. Cette disposition étant utile pour maintenir une tension douce et légère tout à fait suffisante dans la cité. Elle reste ainsi inoffensive. La grande place du village est son Agora, et il en dispose pleinement dès que le soleil et son calendrier le lui permettent. Ce sont ses moments de gloire. Quand on pense que des gens payent pour des consultations de la parole alors qu’il y a ici Henri, tout en culture, la vraie, en mouvement et gratuite. Mentionnons la profondeur de son sourire et la finesse de son regard. Il ne laissera jamais transpirer une seule des horreurs de nos existences ou de la sienne. Ces misères là il préfère les garder. Le temps lui a donné la dimension d’un grand diplomate et il est de nos jours tout en sagesse. Il y a aussi, mais là il s’agit d’une expertise annexe, son catalogue unique de savoir faire en matière d’apéritifs rafraîchissants. Il eut été injuste de ne pas le rappeler, car cela aussi est d’ordre patrimonial.

Il fait grand beau, le voilà se promenant doucement parmi les terrasses de café qu’il l’ont vu naître. Son nez pointu indique le lieu de son prochain forum. La mémoire est le plus gros morceau d’une culture, certes, à condition qu’elle puisse faire fi de toute nostalgie, qu’elle puisse se lire à l’aune d’un devenir. De cela il en détient les clefs pour sa ville. Henri, au quotidien, s’oppose absolument seul à l’oubli de tous.


[1] Henri Baills : Limonadier à la retraite, vit à Banyuls-sur-Mer.
___

La passion selon Pasión 1

Dans cette rue ancienne tout en escalier de pierre, Pasión a donné vie à un phalanstère. Il est bien organisé autant par la gouvernance qu’elle y prodigue que par la discipline librement consentie des adeptes. Ceux-ci se réunissent deux fois par jour avec elle, avant mâtines et après les vêpres, pour célébrer la joie promise. Pasión a la charge essentielle de fournir aux enfants de cette harmonie universelle, soin et nourriture. Ainsi du seuil de sa petite maison, après avoir ouvert de nombreuses boîtes de nourriture en conserve, elle la distribue judicieusement en rations égales à la vingtaine de sociétaires présents, des chats qui viennent célébrer avec détermination leur hostilité aux perversions issues du travail. Ces derniers respectant le rite et la règle sont bien rangés en ordre sur les gradins que forment l’escalier selon, leur sexe, leurs affinités et leur robe. Les malades chroniques de pelade ou de coryza, ne sont pas rejetés mais tout au contraire assis sur les margelles des murs composant les bacs à fleur de la rue. Si Pasión en voit un de timide, un nouveau probablement, elle lui réserve sa part et le protégera des quelques écarts que de gros matous pourraient imaginer. Pasión doit aussi défendre sa phalange de très cruelles actions menées par un voisinage pour qui les miaulement nocturnes, pourtant d’amour, ne sont que des nuisances. La méchanceté avec laquelle les chats sont pourchassés, voire pire n’est que l’expression de leurs frustrations. Ils voient ces animaux comme transgressant une morale qui leur est pourtant étrangère. Admettons toutefois, il y a bien quelque gêne, mais saisonnière, pas plus. La passion de Pasión est probablement née des grandes souffrances qu’elle-même a subit depuis son enfance dans une Espagne de violences anciennes. Mais Pasión a obtenu ici dans cette rue de vieux village, la rédemption de tous ceux qui l’ont méprisée, cela grâce au soutient inconditionnel de cette gente féline mais également de par le coût très abordable des sacs géants de croquettes. Comme ces chats, Pasión déteste les charlataneries commerciales[2]qui divisent les hommes et en font des prédateurs. Il faut voir ces réunions où règne le calme, le silence de cette légion au moment de la distribution. Pasión pose les questions usuelles à tel ou tel, s’informant sur les derniers événements importants, naissances et disparitions en particulier, l’essentiel en quelque sorte. Elle connaît le nom de chacun. Dans cette rue ancienne tout en escalier de pierre, Pasión a donné vie à son phalanstère. Dans cette rue quelqu’un au moins sait encore rêver.

[1]   Pasión: Habite Banyuls-sur -Mer.

[2]   Termes en italique voir : François Marie Charles Fourier.

Cet article Beaucoup de mémoire, un peu d’utopie aussi est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/beaucoup-de-memoire-dutopie/feed/ 0
Légende romaine, terre lointaine, cela se chante https://germinal.rebull.fr/legende-romaine-terre-lointaine-se-chante/ https://germinal.rebull.fr/legende-romaine-terre-lointaine-se-chante/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:12:55 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1349 Olivier Coste[I]. Dans le vent. Avec un nom pareil il en a des frères, les chênes-lièges, les mimosas, les figuiers et tout le catalogue de sa province, vous pensez, c’est comme s’il s’appelait, avec quelques libertés linguistiques, Arbre Colline. Son portrait serait donc tout fait. Curieusement on le surnomme Horace, on ne sait pas très […]

Cet article Légende romaine, terre lointaine, cela se chante est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>

Olivier Coste[I].

Dans le vent.

Avec un nom pareil il en a des frères, les chênes-lièges, les mimosas, les figuiers et tout le catalogue de sa province, vous pensez, c’est comme s’il s’appelait, avec quelques libertés linguistiques, Arbre Colline. Son portrait serait donc tout fait.

Curieusement on le surnomme Horace, on ne sait pas très bien pourquoi, il s’agirait de rumeurs dont il ne vaut mieux pas tenir compte. Imaginons plutôt, ne serait-ce que parce qu’il aime jouer,  qu’il apprécie refaire de temps en temps le coup des Curiaces[II],  c’est-à-dire déployer une grande habileté dans le temps et l’espace, marine dans laquelle il est expert. La référence historique s’arrêtant là car Olivier est bien plus pacifique que ce héros romain de légende. Contentons nous donc de l’appeler Arbre Colline, ou par défaut Olivier Coste.

Sa silhouette fine circule par ici. Elle n’apparaît que quand on pense à lui et se dirige vers vous, pleine d’attentions. Une coïncidence vient se superposer à ses apparitions. On pense à Olivier selon le sens des vents. C’est qu’ici le flux est ascendant le matin, soit de la mer aux collines, et descendant le soir, soit des collines vers la rive de la mer le long de laquelle le village s’étend.

Or, il faut l’admettre, on pense à lui plutôt le soir, justement quand il apparaît. Viendrait à l’esprit l’esquisse d’une réponse. En effet son arrivée en ville étant le plus souvent le soir quand le flux est descendant, nous pourrions admettre que le vent et lui auraient des pratiques intimes. Le soir Arbre Colline  répondrait à l’invite des courants aériens, ce qui l’inciterait d’en suivre celui qui part du Corral  nou, une bâtisse très bien située dans les hauts, filet d’air qui arriverait au droit des cafés, cela est un détail important, avant de s’égarer au large. Descendre avec l’aide du vent est plutôt bien pensé.

C’est bien une preuve de plus de son habileté à tenir compte des choses observables et manifestes de la nature.

Nous y voilà. Végétaux, reliefs, sens des vents, passages pluvieux aussi bien que les forts coups de soleil, sont les arguments de l’existence de cet Olivier là. Quand on sait, de surcroît, qu’il s’exerce dans divers métiers dont il a eu les clefs de par sa généalogie, tout se complique et la question n’est pas entièrement réglée et vaudra encore de longues et puissantes réflexions.

En effet, comment faire le portrait de quelqu’un qui, d’une part ne se distingue pas des éléments, et de l’autre, a plusieurs métiers ?

Mais qu’importe, contentons nous de ses amitiés qui sont de vrais remèdes, comme des  infusions des plantes de là-haut.

C’est déjà cela…


[I] Olivier Coste : habite le Corral Nou, un mas des hauts de Banyuls sur Mer, peintre, bricoleur, commentateur politique, bottin local….et fils d’Annie et Francis.

[II] Rappel pour certains : le combat entre les Horaces et les Curiaces, où le jeune Horace s’en tire de justesse en calculant le sprint de ses ennemis pour les occire tranquillement. Le romain a également exécuté sa sœur qui était l’amante d’un des coureurs. Pas facile tout cela, mais comme au village.

__

Azucena Soler[1]

Une des  Sopranos

Elle est tout à la fois oiseau – entendez la chanter ! – et fourmi. – rien d’inutile autour!

Ses chants sont pour les autres, elle envoie les notes au ciel joyeux. C’est ce qu’elle donne, qu’elle souhaite, et sans retenue.

Pourtant des raisons d’être heureuse, la vie ne lui en a pas donné beaucoup. Petite fille dans un nid catalan pendant de très mauvaises saisons, son chant agaçait les voisins qui n’y voyaient que blasphèmes. Des saisons pendant lesquelles l’âpreté de la vie lui apprit comment faire la fourmi. Ne rien jeter, tout partager de l’adversité, faire très attention et pas que pour soi.

Un jour elle a rencontré l’oiseau qui écoutait vraiment très bien, très gentiment, son chant. Son nid catalan devint juste un peu plus grand. Lui c’était le bruit des forges des vallées sa musique. Cela venait s’ajouter à leur danse. Il s’agissait de chanter leur pays si loin alors et interdit. L’amour était dans ce refuge simple, on le voyait bien. On n’osait pas les réveiller ces deux là, pas faire de bruit, les laisser savourer des pensées lointaines.

La saison est autre maintenant, l’hiver de la vie dit-on. Le chant de son forgeron elle va l’écouter sur la plage désormais, très régulièrement, à heure fixe semble-t-il. C’est son rendez vous, celui où la mer et les vagues dessinent les vallées du pays, disent la rumeur des luttes passées et caressent les souvenirs.

Azucena a plein d’enfants mais elle ne le sait pas. Ils piaillent partout où elle se promène. Que de révérences ils lui font ! Elle balaye l’hommage des yeux comme si c’était juste normal cette nombreuse descendance.

Azucena feint d’ignorer les couleurs de son paysage. Elle le fait exprès. Elle ne propose qu’une chose:

« Écoutez, écoutez donc le cristal du chant, le bruissement des vallées, le tintement clair de l’acier qui prend forme, c’est chez nous, au-delà de la ligne des crêtes, oui chez nous ».

Sa voix de soprano, son chant élevé  passe la crête des montagnes, il n’y a pas de doute.


[1]   Azucena Soler. Habite Banyuls sur mer, fille de la Catalogne et  militante de la démocratie. Veuve d’Eduardo Soler, forgeron catalan militant du POUM refugié, commandant d’artillerie à 19 ans dans l’armée républicaine. Azucena est la sœur de Teresa Rebull.

__

Cet article Légende romaine, terre lointaine, cela se chante est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/legende-romaine-terre-lointaine-se-chante/feed/ 0
Peinture et musique https://germinal.rebull.fr/peinture-et-musique/ https://germinal.rebull.fr/peinture-et-musique/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:12:36 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1344 Milivoj[1] Après le cubisme…. Vous pouvez le toiser en plan ou en élévation de face et même côté pignon, c’est presque pareil. De loin ses trois dimensions semblent équivalentes et confèrent au personnage une certaine assise, la stabilité d’un prisme simple. Sa tête indépendamment de son corps répond aux mêmes critères. C’est comme le point […]

Cet article Peinture et musique est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>

Milivoj[1]

Après le cubisme….

Vous pouvez le toiser en plan ou en élévation de face et même côté pignon, c’est presque pareil. De loin ses trois dimensions semblent équivalentes et confèrent au personnage une certaine assise, la stabilité d’un prisme simple. Sa tête indépendamment de son corps répond aux mêmes critères. C’est comme le point de vue d’un dessin anatomique de Durer, une des fameuses stéréométries, quelque chose en quête de l’exactitude. Cela tombe bien Milivoj  est un admirateur de Durer.

Milivoj est originaire de la morne plaine au nord de Belgrade et peut-être que là-bas cette densité est indispensable. Contrairement aux études de Durer, en se rapprochant on découvre tous les arrondis et relief de son corps qui sont autant d’amicales prises possibles, comme sur un bon rocher que l’on escalade.

durer 1

Je le croise sur un chantier de par chez nous et soit il explique ce que sont les Balkans, soit les couleurs d’une peinture italienne du XVIIème siècle. Du chantier ? Son métier d’aujourd’hui, une activité de secours, pas la peine qu’il développe, les choses sont acquises et ne proposent pas de profondes interrogations à cette âme slave. Par contre sur les Balkans il en sait long et il vous produit une synthèse claire, car pour nous l’histoire des Balkans reste très compliquée. C’est bien là-bas que commencent des bagarres entre deux ou trois qui finissent dans l’histoire en première de couverture du monde entier. Allez comprendre. Il est encore meilleur sur la peinture, et toutes époques confondues. Sur ce sujet il est cristal. Normal après avoir enseigné huit ans aux Beaux-arts de Belgrade, avant que justement la mosaïque politique locale lui enjoigne de cesser son professorat. C’est pour cela qu’il est parmi nous désormais. Du plâtre et des pigments, il sait tout puisque son école c’était « a fresco [2]».

Rentré chez lui, après avoir payé son du à l’existence,  il reprend crayons et pinceaux. Moi j’ai vu. Il se libère le soir à sa table de travail aménagée dans le séjour, il reprend la feuille de papier et comme il est son seul élève, il apprend bien plus vite, il est aux Beaux-arts de nouveau. Les cours ont changé, il n’en n’est plus aux constructivistes de l’Est, pourtant de solides penseurs que ceux-là.

Ses dessins font le tour de son monde et personne n’en sait rien. A ceux qui ont le privilège de les voir il dit que c’est avec eux qu’il touche le ciel.  Aucun doute là-dessus, il y arrive.


[1] Milivoj : artiste peintre serbe réfugié en France, habite la région parisienne. Vit actuellement grâce à son entreprise en bâtiment

[2] Le fait de peindre sur un enduit qui n’a pas encore séché permettant aux pigments de pénétrer dans la masse

__

 

Ted Krasny1

Giant steps….

Quand il vous est présenté, c’est comme l’anglo-saxon capable de vous corriger votre catalan. Et pour quelques-uns de par ici, se faire relever le verbe avec une orthographe de l’académie de Barcelone, c’est inusuel même dit avec son accent. C’est comme s’il avait un pied dans une banlieue de Washington et l’autre sur la rambla de Figueras. Il faut examiner de très près cette acrobatie, une sorte de grand écart au-dessus des eaux. Parlez avec lui, vous allez vite comprendre. Il vous faut trier ce qu’il vous dit. Il y a ce qui passe par sa jambe à l’Ouest ou ce qui remonte par son pied posé à l’Est. Et il pratique cette gymnastique constamment, sans le savoir peut-être, naturellement. Ainsi, il est capable de savourer des anchois finement marinés au vinaigre de chez nous tout en vantant les vertus d’un sandwich au pastrami, ce dernier très courant dans le pays de son enfance. Il mastique avec délices les deux choses, qui, il faut l’admettre, sont quand même assez éloignées l’une de l’autre. Hors du domaine culinaire, il en va de même, ce qui lui permet d’appartenir simultanément et authentiquement à des antipodes. Alors que le grand écart est plutôt une figure au ras du sol, c’est en son milieu, au centre d’un compas immense qu’il nous invite à son meeting, on s’élève et comprend qu’appartenir à la Terre n’est pas seulement un slogan proféré pour faire bien. Il est comme citoyen, oui mais de la patrie de partout. On s’habitue vite à cette juste dimension, Ted Krasny a le bon diplôme pour vous l’enseigner. À la fin de son cours, on est  beaucoup plus généreux pour regarder loin et surtout autrement. Cette disposition sienne permet à Ted d’organiser le monde selon d’autres priorités. Par exemple, si vous écoutez un disque avec lui, il vous donne d’abord le nom du label. Pas la réédition, non, le premier, celui d’origine, souvent un vinyl, et avec la date en prime. Accessoirement, vous qui êtes là dubitatif, il vient vous dépanner avec un grand sourire et vous glisse ensuite le nom du producteur, puis celui de tous les musiciens en commençant par le moins célèbre. Le nom du morceau que l’on écoute ? Oui bien sûr qu’il le connaît, mais c’est en option. C’est comme cela que les choses sont perçues du haut de son compas, dans le bon ordre si on veut bien réfléchir. Soit en traversant toute la profondeur des choses. Vous êtes maintenant habitué à sa voix, ses couvre-chefs. C’est comme cela qu’on le devine assis au café, la silhouette d’un chapeau avec cheveux en paquet tassés en dessous. Unique, repéré instantanément. Partagez avec lui la fraternité d’appartenir à une seule planète, justement dans un monde où chacun croit à son illusoire spécificité.


1    Ted Krasny : habite Banyuls sur Mer, enfin,  pas tout le temps. Lecteur assidu du « London review of books »

Cet article Peinture et musique est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/peinture-et-musique/feed/ 0
Un fleuve et du feu ensuite https://germinal.rebull.fr/fleuve-feu-ensuite/ https://germinal.rebull.fr/fleuve-feu-ensuite/#respond Mon, 11 Apr 2016 09:11:22 +0000 http://germinal.rebull.fr/?p=1335 Alain Castex 1 Attention, fleuve. Du fleuve en tout cas il en a la force des eaux qui vont là où elles doivent aller. Faire barrage est à vos risques. Et puis il y a le corps. Ce que l’on en voit d’abord c’est les mains. Il vous salue et c’est une poignée de schiste chaud […]

Cet article Un fleuve et du feu ensuite est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>

Alain Castex 1

Attention, fleuve.

Du fleuve en tout cas il en a la force des eaux qui vont là où elles doivent aller. Faire barrage est à vos risques. Et puis il y a le corps. Ce que l’on en voit d’abord c’est les mains. Il vous salue et c’est une poignée de schiste chaud qui rempli votre menotte. Ses jambes posées sur des godasses solides ont dû aspirer tout ce que la terre de ses vignes peut donner et que justement l’on retrouve au bout de ses doigts. Voyez le avancer de loin, il est suivit par des murettes, ou plutôt il les promène partout. En principe on dit que untel à pris racine là. Lui c’est le contraire, la terre lui est fidèle et elle va là où lui va. Toutes ses fondations se prolongent dans un buste cylindrique qui doit stocker une réserve de cailloux indispensable à son intime liaison avec sa vraie maison : les collines. C’est comme la tortue, elle vient avec sa baraque sur le dos. Mais Castex n’est pas que cette construction géologique. Au dessus, tout est dominé par un drôle de visage. Avant d’y arriver on passe par les épaules. C’est très important comme détail, car sa tête est comme à l’abri de leur largeur. C’est tout à la fois une planque et un poste d’observation. Une unité dont le point culminant est son regard, un genre de phare qui d’ailleurs indique le port des amitiés. On imaginerait que d’après cette morphologie minérale l’homme est dur. Attendez de croiser ses yeux. C’est des portes qui vous invitent à faire une ballade, de retourner vers ses vignes, vers les terrasses. La promenade commence. Il parle et ses mots sont bons. Il nous dit que tout ce qu’il a pris à la terre ne lui appartient pas et  il vous propose de partager. Et c’est vrai, il partage tout. Son carton d’invitation, c’est la chaleur de ses yeux. On le suit. Pas de biographie ici. Seulement un état des lieux. Ses mots, découpés en syllabes aux angles vifs font la musique de son cœur. Et il en a de cet organe. Le sien a été sollicité durement parfois, il sait comment cela marche les sentiments, l’amour d’être simplement homme parmi les hommes. Même si parfois ces derniers sont injustes, lui continue comme le fleuve va vers la mer. Castex, soit Alain pour les autres, est bien plus moderne que sa grosse veste de travail, n’en doutez pas. Car depuis son poste d’observation il voit très loin devant. Et il a de l’avance….


1   Alain Castex. Viticulteur producteur strictement Bio, cave  « le Casot de Mailloles ». Habite Banyuls sur mer
____

Audrey Quintane1

La dynamite est son rayon.

Comme quoi ce qui intéresse les gens serait comme une simple extension de leurs neurones, ces petites choses qui se parlent entre elles électro-chimiquement.  Les neurones d’Audrey c’est du cordon pour mine, il brûle vite et avec comme seule intention d’aller au pétard final. Quand elle nous parle de Paulilles, l’usine de dynamite, on ne peut plus en douter. Dans la ville elle circule à toute vitesse. Elle entre par une porte et ressort instantanément par celle juste de l’autre côté de la rue, comme dans des dessins animés célèbres. Vous pouvez appeler, siffler, gueuler, on ne peut pas arrêter sa course. Elle est là, là-bas, pas là. Et à l’échelle de la planète c’est pareil. Son avion arrive à Perpignan et sa correspondance atterrit simultanément dans la neige à Montréal et vous n’avez rien vu, rien compris à son tour de magie. Le soleil de son pays lui manque entre deux apparitions. Ah ! La voilà dans un des cafés de la plage pendant qu’en même temps elle vous cause au téléphone depuis le Québec. C’est sa vitesse normale à Audrey, celle de la poudre qui crame. Inutile de consulter votre agenda, il est trop petit, il lui faudrait dix mille pages. Le plus curieux est que ce qui semble n’exister que fugitivement laisse des traces solides et bien  concrètes dans son sillage. Ce sont des savoirs et des sourires qu’elle distribue et sème sans compter. Ramassez, c’est gratuit, vous pouvez « checker », rien que du dense. Ces derniers temps elle hésitait à propos de la suite de sa série. Elle cherche des épisodes. Mais ses doutes ne la ralentissent pas. Le rythme reste soutenu. Elle a un truc aussi qu’elle joue entre deux explosions. Elle s’assoit, vous regarde, écoute calmement, les yeux écarquillés. Pour les oreilles c’est plus difficile à savoir car elle a beaucoup de cheveux. Vous vous demandez si elle a tout « catché », car le silence a trop duré, et là Bang ! Elle redémarre, elle vous crache la suite de votre pensée d’escargot, dans l’ordre, bien alignée et avec zéro faute. Bien sûr qu’elle a compris.

J’entends le grésillement d’une mèche que l’on vient d’allumer. Je crois que cela vient de son côté…. Vite aux abris !!


1 Audrey Quintane : Docteur en sociologie (université de Montréal et Perpignan). Réside à Banyuls sur mer et Montréal

Cet article Un fleuve et du feu ensuite est apparu en premier sur Germinal Rebull.

]]>
https://germinal.rebull.fr/fleuve-feu-ensuite/feed/ 0